BOX GALERIE - Brussels
- Les mots Un promeneur solitaire, tout de blanc vêtu, gravit à grandes enjambées une pente escarpée de l’Etna. Minuscule point de clarté dans une immensité de noirceur. Dès l’entrée, le ton est donné: il sera question de contrastes marqués, d’oppositions parfois, de valeurs extrêmes, mais aussi de complémentarité. La lumière ne peut se concevoir sans l’ombre, le monde et la vie n’existent que dans l’intervalle qui va naturellement de l’un à l’autre. Les pôles tantôt s’attirent, tantôt se repoussent… Que fait un photographe lorsqu’il ne photographie pas? Parmi les options qui s’offrent à lui, il en est une qui s’impose parfois quand le corpus accumulé pendant de longues années promet de belles découvertes jusque-là insoupçonnées. Cela fait plus d’un demi-siècle que Bernard Descamps parcourt le monde (et ses environs) pour en donner image, pour en donner son image. Les quelques centaines de photographies que nous connaissons de lui ne constituent bien évidemment que la partie émergée d’un iceberg au volume quasi insoupçonnable. Parmi les innombrables photographies qui sommeillent dans des cartons, sous des formes diverses (bandes négatives, planches-contact, tirages de lecture), l’auteur en a exhumé bon nombre qui avaient échappé à son attention, peut-être parce qu’elles n’entraient pas explicitement dans un projet en cours. Lorsque la photographie constitue une raison de vivre, aussi indispensable que la respiration, comme c’est le cas pour Bernard Descamps, les déclenchements deviennent vite irrépressibles, le vital l’emportant sur l’utile. Et les pépites s’accumulent, n’attendant finalement que leur heure… Pour cette nouvelle exposition — la sixième que la galerie lui consacre depuis 2007 —, le photographe nous propose un ensemble composé pour partie d’inédits récents ou non, pour partie de «classiques», avec pour fil conducteur (que l’on n’ose en l’occurrence qualifier de «rouge»!), des vues où le blanc l’emporte sur le noir, où au contraire c’est le blanc qui domine, quand ils ne se retrouvent pas à l’équilibre. Le négatif et le positif, l’immaculé et l’obscur. Le yin et le yang. Deux silhouettes noires au sommet d’une falaise, face à l’immensité de l’océan, et qui évoquent immanquablement le Voyageur contemplant une mer de nuages , le chef-d’œuvre romantique de Caspar David Friedrich… Des étoiles qui traversent une nuit d’encre… Des gratte-ciels chinois dans la brume, cette même brume qui enveloppe un lac népalais et dont semble émerger un minuscule oiseau perdu… Du linge qui sèche au soleil de Madagascar, comme le reflet de nuages en miroir (on retrouve là le goût de l’incongru cher à Descamps!)… De l’écume, de la neige, un chien blanc, des chiens noirs… Des montagnes menaçantes… Du Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch à l’outrenoir de Pierre Soulages, les artistes aiment depuis longtemps se frotter aux extrêmes, voire à repousser l’une ou l’autre limite. Ici, ni Suprématisme ni Abstraction lyrique, mais plus simplement — plus modestement peut-être — le désir de soustraire au réel quelques fulgurances visuelles, de saisir quelques petits miracles, quelques cadeaux de la vie, du monde tel qu’il est. Alain D’HoogheBeschrijving
noir ou blanc / Bernard Descamps
⇾ 25 okt 2025